Robert BADINTER et la peine de mort, un changement anthropologique ? Retour sur les mots autisme et harcèlement pour comprendre cette interrogation

Des textes publiés après la mort, j’en ai extrait deux, représentant non pas des points de vue opposés, mais des points de vue différents.

1- Une réflexion de Bernard Perret sur l’action de Robert Badinter à la lumière de l’anthropologie de René Girard. Extrait de l’article https://emissaire.blog/2024/02/13/robert-badinter/

« Le bruit de la lame qui coupe un homme vivant en deux » : Robert Badinter, René Girard et la peine de mort

Je ne connaissais pas Robert Badinter et n’ai rien à ajouter aux nombreux hommages qui lui sont rendus. En me fondant sur ce que tout le monde sait, je me limiterai ici à évoquer quelques aspects de sa vie et de son action qui méritent de retenir l’attention des lecteurs de René Girard.

Il est courant dans certaines sphères de fustiger l’universalisme abstrait de l’idéologie des droits de l’homme par opposition implicite au caractère incarné de la charité chrétienne. Or, ce n’est pas une idée abstraite qui a poussé Robert Badinter à faire de l’abolition de la peine de mort le combat de sa vie, mais l’exécution le 28 novembre 1972 de Claude Buffet et Robert Bontemps, une exécution à laquelle il était professionnellement tenu d’assister en tant qu’avocat. Lors du procès de Patrick Henri en 1977, dans la plaidoirie qui sauva la tête de l’accusé (un meurtrier, sans l’ombre d’un doute), il évoquait le « bruit que fait la lame qui coupe un homme vivant en deux ». Le souvenir de ce moment ne l’a jamais quitté et il y revint plus d’une fois dans sa vie. Le malaise que provoque désormais l’idée même d’un corps coupé en deux n’a rien d’anodin, c’est un marqueur significatif du changement intervenu dans notre regard sur la violence. L’exécution capitale des condamnés, faut-il le rappeler, fut longtemps un spectacle public, une sorte de fête barbare censée édifier la foule, rappeler chacun à ses devoirs et renforcer le lien social. Pour un lecteur de René Girard, la découpe brutale d’un corps vivant évoque inévitablement le lynchage par démembrement. En 1972, justement, dans La violence et le sacré, Girard soulignait la continuité entre les processus victimaires, les rites sacrificiels et la peine de mort :

« La notion de peine légale ne peut être détachée du mécanisme fondateur. Elle remonte à l’unanimité spontanée, à la conviction irrésistible qui dresse la communauté entière contre un responsable unique. »

Dans les anciens rituels judiciaires comme dans les sacrifices sanglants, la communauté entière était concrètement ou symboliquement associée à la mise à mort. À la fin du siècle dernier il n’était plus possible de montrer la mise à mort et les exécutions au petit matin, en catimini, avaient déjà un caractère honteux, ce qui n’empêchait pas la majorité de la population d’y rester favorable. Mais les temps changent et certains changements paraissent irréversibles. Comme le montre Girard, le christianisme, à défaut de faire reculer la violence, prive définitivement les sacrifices sanglants de légitimité et de pouvoir pacificateur. Même aux États-unis, l’abolitionnisme progresse dans l’opinion.   

Dans le passage cité plus haut, Girard soulignait à quel point la procédure judiciaire peine à éliminer totalement l’élément d’arbitraire inhérent au mécanisme victimaire :

« Elle a donc un caractère aléatoire qui n’est pas toujours méconnu puisqu’il apparaît ouvertement dans bien des formes intermédiaires entre le religieux et le judiciaire proprement dit, dans l’ordalie, notamment. »

Robert Badinter ne croyait pas Bontemps coupable de meurtre, et ce doute contribua semble-t-il à sa décision de faire de l’abolition de la peine de mort le combat de sa vie. Un combat sous-tendu par un rejet conscient et déterminé de l’injustice du principe sacrificiel – la raison supérieure qui conduit à prendre le risque de condamner à mort un innocent en vertu de l’antique conviction qu’« Il y a intérêt à ce qu’un seul homme meure pour le peuple. » La double exigence de mettre la justice au-dessus de la violence, privée et à distance de l’esprit sacrificiel, est au cœur de son discours du 17 septembre 1981 à l’Assemblée nationale. Après avoir démonté la thèse de la valeur dissuasive de la peine de mort, voici en effet ce qu’il déclarait :

« La mort et la souffrance des victimes, ce terrible malheur, exigeraient comme contrepartie nécessaire, impérative, une autre mort et une autre souffrance. A défaut, déclarait un ministre de la justice récent, l’angoisse et la passion suscitées dans la société par le crime ne seraient pas apaisées. Cela s’appelle, je crois, un sacrifice expiatoire. » 

C’est au nom de la même volonté d’instituer une justice plus civilisée et donc plus civilisatrice, dépassant la « loi du talion », qu’il avait fait de l’amélioration des conditions de vie en prison l’un des axes de son action au ministère de la Justice. 

Ajoutons ceci pour conclure : Robert Badinter se tenait à l’écart des surenchères victimaires dont la marée montante avait été vue de manière prémonitoire par René Girard. Ce juif était avant tout un républicain imprégné du meilleur de l’universalisme français. Malgré la mort de ses parents en déportation, son point de vue sur l’histoire n’était pas d’abord celui d’un membre d’une communauté persécutée. C’était en citoyen du monde attaché aux libertés et aux droits de tous les hommes, qui s’inquiétait du retour de l’antisémitisme et d’autres vieux démons. Quand on voit ce qui se passe aujourd’hui en Israël, et même en France, c’est une attitude suffisamment rare et précieuse pour être louée.

2- Un éditorial de Olivier Frèrejacques, Président de Liberté politique, adoptant un point de vue politique et critique sur l’action de Robert Badinter, mais citant sa source : « Cet éditorial est librement et partiellement inspiré de la thèse défendue par le professeur Jean-Louis Harouel dans son ouvrage Libres réflexions sur la peine de mort paru en 2019 aux éditions Desclée de Brouwer »

Les hommages presque unanimes après le décès de Robert Badinter ne portent pas seulement la marque du conformisme. Ils rappellent combien l’intelligentsia et les castes politiques au pouvoir, ou désirant y accéder, sont imprégnées de l’idéologie anti-pénale du défunt ministre socialiste.

 Le martyr du criminel
 
L’inversion des valeurs dont il est souvent question dans notre époque, sans que celle-ci soit vraiment décrite, se retrouve parfaitement dans la méthode de Badinter. Il s’agit avant tout d’excuser, d’humaniser voire de réhabiliter le criminel. La victime est oubliée, on nie son existence et sa souffrance ainsi que celle de ses proches. Sorte de pardon chrétien devenu fou, le mécanisme de pensée de Robert Badinter rejoint celui de Victor Hugo dans Le dernier jour d’un condamné. L’écrivain prend soin de ne parler que de celui qui va être exécuté, pas de sa ou ses victimes. A-t-il violé une enfant ? Égorgé des innocents ? Peu importe, il faut sauver le criminel.
 
Ce renversement de situation au profit du coupable est non seulement une inversion des valeurs mais aussi un mécanisme relativiste qui profite à une confusion entre le bien et le mal. Sous couvert de valeurs chrétiennes, on absout ici-bas le pire au détriment des faibles : les victimes, en oubliant que sans justice, il n’y a pas de paix et que le pardon ne peut donc pas s’exprimer clairement. Celui qui contestera l’abolition sera considéré comme un paria, un arriéré.
 
L’échelle des peines
 
Il n’est pas ici question de faire un réquisitoire pour la peine de mort, quoique le simple fait que son abolition ait été faite contre l’avis de la majorité puisse être critiquable. La suppression de la peine capitale par le ministre Badinter a provoqué un désarmement judiciaire, alors même que les exécutions étaient devenues très rares ; on n’en comptera que six dans la décennie 70.
 
L’utilité de ce châtiment résidait d’ailleurs plus dans son existence que dans son application, puisqu’il permettait de fixer une échelle des peines.
 
La peine de mort comme peine suprême a été remplacée par la perpétuité… « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ! ». La machine était lancée. En effet, pourquoi interdire la peine de mort au nom de l’humanité mais tolérer un enfermement à vie ? Cette peine pouvant être considérée comme certains pire qu’une exécution. Par ailleurs, des pourfendeurs de la peine de mort estiment que la réclusion à perpétuité est pire que l’exécution et qu’en cela elle est « une bonne chose ». Cet argument paraît dénué d’intelligence, la peine ne visant pas à infliger le pire mais à tendre vers la Justice et à protéger la société. Demain, les détenus pourront demander l’euthanasie pour détresse psychologique, ce qui rendra complètement caduque ce raisonnement. »
 

Je ne comparerai  pas les deux textes, Ils ont des points de vue différents, dont l’un (anthropologique) est aussi le mien. Mais en écrivant que Robert BADINTER aurait eu une « idéologie anti-pénale du défunt ministre socialiste. », Olivier FREREJACQUES adopte, sans le savoir, le point de vue anthropologique, reconnaissant que l’abolition de la peine de mort, fut (ou aurait pu être) un changement anthropologique majeur en France du siècle dernier.

Et effectivement, l’évolution des concepts de la justice s’est traduite par de nombreux articles universitaires, dont

 BéAL Christophe, « Justice restaurative et justice pénale », Rue Descartes, 2018/1 (N° 93), p. 58-71. DOI : 10.3917/rdes.093.0058. URL : https://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2018-1-page-58.htm

Parent, I., Wemmers, J.-A. & Lachance Quirion, M. (2022). Le pardon de la victime de violence sexuelle : une question controversée dans les services de justice réparatrice. Criminologie, 55(1), 61–83. https://doi.org/10.7202/1089729a

Brodeur, J.-P. (1997). Justice distributive et justice rétributive. Philosophiques, 24(1), 71–89. https://doi.org/10.7202/027425ar

LECOMTE Jacques, « La justice restauratrice », Revue du MAUSS, 2012/2 (n° 40), p. 223-235. DOI : 10.3917/rdm.040.0223. URL : https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2012-2-page-223.htm

C’est quoi la justice restaurative ?

Instaurer le dialogue entre des victimes et des auteurs de délit afin de prévenir la récidive et recréer le lien social, c’est le projet de la justice restaurative. Une pratique encore peu connue qui est mise en lumière dans le film « Je verrai toujours vos visages » de Jeanne Henry, racontant l’histoire d’ une victime d’inceste.

Cependant, le seul argument de l’article d’Olivier FREREJACQUES, méritant d’être discuté, du point de vue anthropologique : «  le simple fait que son abolition ait été faite contre l’avis de la majorité puisse être critiquable » ne l’est pas dans son article, car il est abordé du point de vue politique. Il est très intéressant de noter qu’avant, il écrit : « Il n’est pas ici question de faire un réquisitoire pour la peine de mort ».

Un changement anthropologique nécessite qu’il soit partagé par l’ensemble (ou en démocratie, par une large majorité) du groupe, où il a lieu (pays…). A l’heure actuelle, je ne pense pas que cette condition soit remplie, en France, sur le sujet de la peine de mort.

Ce thème du changement anthropologique est celui de mes recherches:

Je m’appuie sur la pertinence des concepts anthropologiques trouvés par René GIRARD, que j’exposerai dans la deuxième partie de l’article

Je m’appuierai  aussi, sur la recherche de Yannick ESSERTEL, historien/anthropologue, utilisant  deux autres concepts anthropologiques pour étudier la figure de Jean-Baptiste Pompallier, premier vicaire apostolique d’Océanie occidentale en Nouvelle-Zélande de 1838 à 1868. Ce qui rend fascinant, à mes yeux, une telle étude, c’est la volonté constante des Maoris de  rendre à leur terre, la dépouille, qu’ils ont obtenue, seulement en 2002.  

Cette volonté reflète la « sagesse » de ce peuple  illustrée par la citation

Il est nécessaire avant de publier la synthèse des résultats, de repréciser des termes pour que cette synthèse puisse être comprise.

En voici la raison

FONCIA m’avait cité directement devant le tribunal correctionnel, chambre presse, pour diffamation. L’audience a eu lieu le 16 janvier. Je ne connais pas encore le résultat, bien qu’il ait été donné au tribunal le 20 février. Mais je n’y suis pas allé, puisque ce résultat me sera envoyé par courrier.

J’ai compris, lors de cette audience, que FONCIA n’avait toujours pas compris ce que signifiait neuroatypique. En mentionnant FONCIA, j’avais bien intégré que, ce simple fait était un risque, (=un motif pour porter plainte contre moi).  Mon but était autre : Convaincre la majorité des copropriétaires de refuser le changement de comptabilité que FONCIA nous imposait, et l’approbation des comptes.

La juge a clairement exprimé son intérêt (ce qui ne présage pas du jugement rendu) pour mon argument de la tentative d’intimidation de la part de FONCIA (leur avocat a plaidé à la fin que la citation avait un but pédagogique, ce qui revient au même). FONCIA avait une deuxième avocate, qui a surtout voulu démontrer à la juge qu’il existait un droit de la copropriété, et qu’il n’était non pénal (sic !) et a utilisé le mot harcèlement… 

Et j’ai compris, après l’audience, avec l’interrogation d’un copropriétaire, voulant savoir, avec insistance si je ne m’étais pas effondré durant l’audience, l’attentisme de la quasi-totalité des copropriétaires, passifs devant la volonté du syndic de ne pas appliquer les décisions de l’AG 2023…Je fus invité à une réunion du conseil syndical, où la perception de  mon « image » avait visiblement changé.

Autisme et Harcèlement : retour sur des mots couramment employés, comme des formules magiques et à contresens !

Il y a beaucoup de mots, pas uniquement en français, dont le mésusage permanent, l’ignorance de sa définition oblige à revenir, sans cesse sur leurs emplois, comme, entre autres , autisme et harcèlement

Le mot autisme est lié, à mon regard de chercheur, et influe, à ce titre, ma perception des faits que j’observe et donc les concepts que j’emploie, dont le mot Harcèlement, que j’ai utilisé dans l’article, publié à la suite de réactions à des articles précédents, me parlant du « harcèlement » que j’avais subi (sous-entendu : Tu connais bien le sujet), ces réactions désignaient même l’harceleur (en l’occurrence l’harceleuse)….Bref, un mythe avait été créé, j’ai voulu y mettre fin. 

Mais si j’ai réussi, c’était mon objectif, à déconstruire ce mythe, dans le petit cercle de ceux qui  connaissaient « l’affaire » et à intéresser les personnes, ayant vécu des situations similaires, je n’ai pas, bien entendu, réussi à faire changer le regard sur les mots harcèlement et autisme.

Et suite à la réaction (ci-dessus) des copropriétaires, je ne pense pas que la compréhension de mes propos soit facilitée par le changement de mon image (à supposer que je l’interprète bien) ?

car comme le dit Julie DACHEZ,

Au début de la vidéo, réalisée à l’INA  (ceux qui s’intéressent à la recherche sur l’autisme peuvent la regarder, elle dure presque 1 h 30) :

 « Qui plus est, le fait de dépeindre les personnes autistes comme des génies en dit long sur l’autismophobie ambiant : le personnage autiste n’est intéressant, acceptable, que lorsqu’il est génial ». Il me faut donc aussi déconstruire ce mythe pour passer du concept de neuroatypique à celui d’atypique, et surtout éviter les phénomènes de « pensée magique » : Croire que je puisse mettre fin à la comptabilité frauduleuse, seul, ou/et choisir un nouveau syndic pour faire disparaitre, d’un coup de baguette, tous les problèmes…

Vous l’avez lu dans la  première partie  des résultats de mes recherche le diagnostic de l’autisme ne repose que sur l’observation de caractéristiques.  La majorité des autistes ont des caractéristiques d’hypersensibilité. J’ai des caractéristiques principales d’hyposensibilité, en particulier, celles liées à la douleur. Pour vous le faire comprendre, je m’étais cassé l’avant-bras vers 14/15 ans, après la journée de classe, j’avais repris mon vélo pour rentrer….48 h. après, mon père avait vu quelques larmes dans mes yeux et m’a amené aux urgences, d’où je suis sorti plâtrer….).

Cette caractéristique m’a permis, lorsque je fus, à l’âge de 9 ans à l’école, victime d’un harcèlement « collectif » de comprendre ses mécanismes : une « meute » qui pousse un « fort en gym » à jouer au combat de boxe avec « celui qui est à part ». Avant que la « meute » prenne le relais (moqueries…), j’avais, par ma caractéristique, acquis le « respect » des meneurs…et évité cette prise de relais.

J’appris ensuite de ces meneurs, qu’ils craignaient la « meute » et la compréhension d’une attitude non naturelle (chez moi) : Ripostez aux coups…. J’adoptais cette attitude à ma nature : J’appris à comprendre les réactions de « meute », détecter les « leaders », savoir quand s’opposer à une « meute », et quand faire le « dos rond » … Au lieu de devenir « bagarreur » et voulant être tranquille, en groupe, j’ai acquis la connaissance d’y parvenir, quand la nécessité se faisait sentir : Provoquer le leader, échanger quelques coups, lui en donner un qui montrait ma force, mais se retirer sur un coup à lui. Avec ça, son respect et donc celui du groupe était acquis et j’étais tranquille…

Comme tout être humain, les autistes sont différents et peuvent s’adapter. Vérifiez-le dans les livres d’autistes citant beaucoup de cas :

« Dans ta bulle ! les autistes ont la parole : écoutons-les » de Julie DACHEZ

« L’Asperger au travail » de Judith Sitruk, paru en février 2023, aux éditions  De Boeck Supérieur

Dans ce livre, Judith Sitruk, forte de son expérience de coach, de ses nombreuses prises en charge de personnes porteuses du syndrome d’Asperger, ainsi que de son vécu d’Aspie, propose des témoignages et exemples rencontrés dans sa pratique professionnelle ; …et des fiches-outils.

L’adaptation des autistes, avec l’expérience (donc avec l’âge) devrait être un sujet de recherche, mais n’existe à ma connaissance, qu’une seule étude , citée par Julie DACHEZ :

La recherche sur l’autisme chez les personnes âgées : un domaine en plein essor, mais encore un long chemin à parcourir

Publié en ligne :9 juin 2022; https://doi.org/10.1089/aut.2021.0041

Il suffit de lire des livres de lanceurs d’alerte ou de les rencontrer pour comprendre que cet atypisme (savoir dire non à un collectif, puis résister aux pressions) n’est pas propre à un neuroatypique (les autistes sont, en moyenne, plus vulnérables à ces phénomènes de harcèlement en meute). Par contre, la compréhension de ces phénomènes est permise par un « fonctionnement différent du cerveau ».

Le mot Harcèlement

Ce  passage de la première partie «  Si l’intérêt et les lois en matière de harcèlement sont relativement récents, ce phénomène semble, par ailleurs, avoir toujours existé dans les sociétés humaines. L’amour romantique et passionnel, à travers les âges, suggère que « la folie et l’obsession » conduisent à poursuivre l’objet d’amour. La poésie, la littérature, les chansons et les récits décrivent à merveille ces élans passionnés et obsédants du cœur. L’acte est qualifié à la fois de terrible, d’ironique mais aussi d’héroïque. Ce paradoxe explique peut-être l’ambivalence avec laquelle ce phénomène est vécu par la société. » a suscité beaucoup d’incompréhensions, qu’il est nécessaire de lever pour avoir un débat, sur un point de vue anthropologique, inaudible sans cela.

Des situations isolées de harcèlements  sont très difficiles à appréhender, de l’extérieur (syndicaliste, professionnels de la santé..) et utiliser ce mot, en écho à son emploi, par une ou des parties prenantes, risque de rendre la situation, totalement opaque, car l’accusation risque de devenir réciproque, pouvant créer un climat délétère.  La réaction usuelle à une accusation, sans témoin, d’une seule personne (ou même de plusieurs, j’ai rencontré ce cas) consiste à accuser l’accusateur, et ce n’est pas nouveau : cf. l’épisode biblique dénommé « Le jugement de Salomon ». Il faut posséder « la sagesse » de Salomon pour savoir départager deux adversaires, avec le pouvoir de distinguer le coupable et la  victime.

Pour une personne de l’intérieur (DRH), la situation est plus facile à appréhender et à régler. Aussi, quand plusieurs situations semblables ont lieu dans une même organisation, il  faut envisager un harcèlement institutionnel, avec une grande probabilité. Et, dans ce cas, une personne de l’extérieur aura la possibilité d’intervenir, sans nuire aux victimes

Et là se situe la raison principale : Le sort des victimes et leurs reconstructions.  Et ceux qui œuvrent à cette tâche difficile de reconstruction d’une victime (si j’emploie le mot, « difficile » c’est que je suis capable de me lancer dans l’éradication de harcèlements institutionnels, et incapable d’aider une victime d’harcèlement à se reconstruire) évitent d’employer ce mot « harcèlement ».

Mais en France (et dans d’autres pays), il y a plus qu’une ignorance de la définition de ce mot, il n’y a pas de définition autre que légale, autrement dit il n’y a pas mésusage de ce mot. C’est son usage préalable qui l’a imposé dans une loi et si c’est dans la loi, c’est que l’existence d’harcèlements individuels est réelle.

Mais en échangeant avec des intervenants professionnels (ou bénévoles) à l’aide de victimes (et pas seulement d’harcèlement), j’ai compris que les aider vraiment consiste à ne pas leur laisser acquérir un statut   de victimes. Une expression m’a marqué : « Hélas, à force d’avoir subi, certains s’isolent ou combattent, ce à quoi je réponds parfois que la meilleure façon de devenir ce que l’on combat est de le combattre. ».

Sur LINKEDIN, les « posts » des spécialistes de l’aide de victimes, sont très instructifs sur ce thème. C’est ainsi que Sarah-Djeigne Ambert a publié une citation du livre « L’art de la thérapie » de Irvin Yalom, psychiatre/écrivain, que j’ai découvert, à cette occasion et lu.

« Tant qu’un patient persistera à croire que ses problèmes principaux résultent d’éléments qui échappent à son contrôle -actions provenant d’autres que lui, nervosité, injustices sociales, gènes- le thérapeute ne pourra lui apporter qu’une aide limitée. Nous pouvons témoigner de la sympathie, suggérer des méthodes pour réagir aux agressions et à l’injustice de la vie ; nous pouvons aider le patient à acquérir la sérénité, ou lui apprendre à modifier son environnement avec plus d’efficacité.

Mais si nous espérons un changement plus significatif, nous devons encourager nos patients à assumer leur responsabilité – en d’autres termes, à appréhender la façon dont eux-mêmes contribuent à leur propre détresse. […]

L’acceptation de la responsabilité est un premier pas essentiel dans le processus thérapeutique. Une fois que l’individu reconnaît son rôle dans la création d’une situation difficile, il prend conscience qu’il a, et lui seulement, le pouvoir de changer cette situation.

Revenir sur sa propre vie et accepter qu’on est responsable de son propre accomplissement peut déboucher sur un véritable regret. Le thérapeute doit anticiper ce regret et s’efforcer de le modifier. J’incite souvent mes patients à se projeter dans le futur et à réfléchir à la façon dont ils peuvent vivre désormais afin que d’ici cinq ans ils puissent regarder en arrière sans que le regret vienne les submerger à nouveau. »

Irvin Yalom a écrit un tel constat, après des années d’expériences. Il est intéressant de citer, aussi, ce qu’il écrit en introduction « Les conseils que renferme ce livre sont tirés de ma pratique clinique auprès de patients, des autistes de haut niveau ou de niveau modéré (plutôt que psychotiques ou franchement handicapés) que je rencontre une voire deux fois par semaine…Mes objectifs thérapeutiques concernant ces patients sont ambitieux : outre la disparition des symptômes et l’atténuation de la souffrance, je cherche à faciliter le développement personnel et un changement fondamental de caractère. » Irvin Yalom dans l’art de la thérapie

En effet, quand je lis la citation choisie par Sarah-Djeigne Ambert, dans son post, je comprends, naturellement, que reconnaître son rôle dans la création d’une situation difficile, ne signifie absolument pas « reconnaître son rôle dans la situation de harcèlement (ou autre) » Mais naturellement s’applique à moi, mais je me suis aperçu qu’il fallait beaucoup d’explications pour d’autres.

Il était donc nécessaire de bien comprendre les mots que j’utilise et surtout le point de vue que j’adopte, avant d’exposer la deuxième partie. Et écrire avant cette parution sur la sagesse du peuple Maori, connu par le célèbre Haka et ses pratiques liées (et moins connues), dont vous pouvez prendre connaissance dans les articles suivants :    

GAGNé Natacha, « Présentation. Le sacrifice d’hier à aujourd’hui, échos d’une intuition féconde », dans : Henri Hubert éd., Essai sur la nature et la fonction du sacrifice. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Quadrige », 2016, p. 1-41. DOI : 10.3917/puf.mauss.2016.03.0004. URL : https://www.cairn.info/essai-sur-la-nature-et-la-fonction-du-sacrifice–9782130595236-page-1.htm

Schwimmer, E. (1990). La genèse du discours nationaliste chez les Maoris. Culture, 10(1), 23–34. https://doi.org/10.7202/1080932ar

ITéANU André, « Le hau entre rituel et échange », Revue du MAUSS, 2004/1 (no 23), p. 334-352. DOI : 10.3917/rdm.023.0334. URL : https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2004-1-page-334.htm

De l’horreur à la méthode dans les savoirs sur l’anthropophagie ? Anglais et Français face au « cannibalisme » néo-zélandais (1769-1840) | Circé. Histoire, Savoirs, Sociétés (uvsq.fr)

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