Simone WEIL, et si nous étudions sa démarche (scientifique?) !

Simone WEIL est une immense philosophe, dont les angles d’études sont innombrables, cf., en fin d’article, les cinq vidéos « consacrées » à sa conception et à sa définition du malheur (rencontré et compris lors de son immersion en usine). Ces conférences données au café/coworking Le Simone.

Sa vie, tournée entièrement vers la recherche de la Vérité fait partie de la « fascination » qu’elle a suscité et qu’elle suscite encore.

Mais, à ma connaissance, le « Pourquoi » de cette fascination n’est pas étudié.

Il vient du côté unique et précurseur de sa démarche, à mon avis (de non-philosophe).

Sa volonté « d’agir pour la Révolution » l’a conduite à une immersion dans le monde du travail, (et donc à sa rencontre avec le Malheur -cf. vidéos) pour l’observer, puis à revoir sa conception, qu’elle avait, avant, du travail, et à élaborer des concepts de la justice, en lien avec l’anthropologie des Evangiles.

 Cette démarche est donc clairement « constructiviste », et sa volonté d’immersion, avec un  regard à l’intérieur, et non en « surplomb », en avance sur son époque (les études de l’anthropologue Dorothée Dussy sur l’inceste sont contemporaines)

Cette conception révolutionnaire est permise par un regard d’observation.

En faire un sujet d’étude et un thème de colloque devrait être passionnant.

Et pourquoi pas une nouvelle journée Simone WEIL au café/coworking Le Simone.

Ou plusieurs journées, car l’actualité : Election d’un nouveau pape, se revendiquant de l’héritage du pape, fondateur de ce que l’on nomme, maintenant, la Doctrine  Sociale de L’Eglise, soutien de cette doctrine par le vice-président américain, a conduit ce café à mettre en place des ateliers d’études de cette doctrine.

Cette doctrine repose sur la théorie philosophique du « Droit Naturel », qui s’oppose, par définition, à une démarche constructiviste.

Par exemple, la notion de bien commun, si l’on réfléchit bien a été, pour être un brin provocateur, préempté par les institutions de l’Eglise, alors, qu’avec une démarche constructiviste, elle aurait dû se transformer en concept anthropologique.  

… Les thèmes de débats, de colloques, induits par cette position constructiviste sont nombreux. Nous nous contentons ici, pour l’instant, de celui-ci, tout en donnant le programme d’un séminaire, organisé par l’ Association Recherches Mimétiques et l’Institut Catholique de Paris.

Pour illustrer le regard de Simone WEIL, comme « observatrice de l’intérieur », antérieur à son travail d’usine, voici des extraits de La Vie de Simone Weil, écrite par Simone Pétrement.

« Les « événements du Puy », comme on les appelle, commencèrent le 17 décembre 1931.

Un résumé…, publié par Vidal dans le bulletin de la section de Haute-Loire du syndicat national des instituteurs, au début de 1932, et sans doute d’après les renseignements fournis par Simone elle-même.

« Le 17 décembre, un groupe de chômeurs réunis à la Bourse du Travail décide d’envoyer une délégation auprès du maire du Puy pour lui présenter une liste de revendications. A cette délégation participe S. Weil, professeur au lycée de jeunes filles. Le maire ne veut pas prendre en considération les demandes qui lui sont adressées. Devant cet échec, les chômeurs décident d’aller le soir même assister à la séance du conseil municipal. Au moment où le maire lève la séance, les chômeurs s’avancent pour présenter leurs revendications. S. Weil est parmi eux. » …

« Le 19 décembre, S. Weil est appelée à l’inspection académique pour répondre à un rapport de police. Elle doit répondre aux questions suivantes :

  1. A-t-elle conduit les chômeurs ?
  2. Est-il vrai qu’à la sortie du conseil municipal elle soit allée au café avec un groupe de chômeurs et qu’elle ait payé les consommations.
  3. Est-il vrai que le lendemain elle ait été vue traversant la place Michelet, l’Humanité à la main, et qu’elle ait serré la main à un chômeur, casseur de pierres ? »

 (La biographe explique qu’aller au café avec des hommes, au Puy, c’était pour une femme se perdre de réputation)….Le commissaire l’interrogea lui aussi sur ce point. Elle lui répondit : « Je refuse de répondre à des questions concernant ma vie privée »

Le Mémorial, journal (conservateur) de la Haute-Loire écrit, pour décrire la séance : « La salle…s’est garnie tout à coup d’ouvriers…, conduits en escouade par une suffragette, personne jeune encore, qui fait ranger son monde avec une autorité souriante

….C’est le moment (la fin de la séance) que choisit l’intellectuelle à lunettes, aux jambes haut gainées de fine soie, pour déclencher sa petite manifestation. Elle pousse devant la table du conseil sa centaine de sans-travail…

Quand on a accepté, moyennant une rétribution suffisante…, et en tout cas consentie, on s’est créé des obligations vis-à-vis de la société qui vous paie. Celle tout au moins de ne pas la chambarder. Ah ! Oui, il y  a la liberté individuelle : elle est sacrée. Quand on l’a aliénée, on n’a qu’à la reprendre

Le 14 janvier, La Nouvelle de Lyon écrit « Cette moscoutaire militante et agissante a une singulière idée de sa mission d’éducatrice si elle pense qu’elle a été envoyée au Puy pour empoisonner des théories de Moscou les jeunes filles de race française qui lui sont confiées par les familles »

« Une amie catholique …entendit dans la cathédrale du Puy un prêtre prêcher contre Simone. Mme Anthérion entendit dans un train quelqu’un qui disait : « Il parait que l’Antéchrist est au Puy. C’est une femme. Elle est habillée en homme. »

Le 4 février, Le Mémorial écrit « …La manifestation a été précédée d’une réunion à la Bourse du Travail. Mlle Weill, vierge rouge de la tribu de Lévi, messagère de l’évangile moscoulaire…

Face à cela ses amis, comme Villard disait « Je n’avais jamais compris l’histoire de Jeanne d’Arc. Maintenant je la comprends »

Récit de C. Claveyrolas, S. Faure, Y. Argaud et M. Derieu, ses élèves :

« ..Jusque-là, nous avions suivi, avec une colère mêlée de quelque curiosité, les articles haineux, stupides ou inexacts publiés dans la presse catholique régionale sur notre professeur, à l’occasion de l’appui qu’elle apportait aux chômeurs… »

Que pensait Simone, elle-même de tout ce bruit ?

 « Le 14 janvier, Simone fut convoquée de nouveau à Clermont-Ferrand, au rectorat. Le recteur l’invita à signer une demande de changement….Simone refusa de signer, alléguant l’intérêt de ses élèves. « J’ai commencé l’année au Puy, je veux aller jusqu’au bout. » Le recteur fit à la fin un geste de désespoir : « J’étais sûr que je ne la persuaderais pas »

…c’est peut-être à lui qu’elle a répondu : « J’ai toujours considéré la révocation comme le couronnement de ma carrière. » Elle disait du recteur « Je ne peux lui en vouloir. Il ressemble à Jouvet dans Knock. »

Le 14 janvier, La Tribune écrit : « Communiqué du Comité des chômeurs, (rédigé par Simone).

…Ces ouvriers, réduits à la misère pour avoir, sous la contrainte, travaillé trop intensément- car le chômage actuel n’est-il pas regardé par tout le monde comme un effet de la surproduction ? – étaient traités comme des paresseux…

Mais l’Internationale n’est pas un chant politique : c’est le chant des travailleurs qui refusent d’être esclaves des profiteurs. Ce refus a-t-il un caractère politique ? La classe dirigeante le voudrait bien. C’est un mouvement de classe qui a une tout autre portée que les querelles politiques.

Le 22 janvier, La Tribune publie « Un Communiqué du Comité des chômeurs, rédigé par Simone, et encore plus dur.

« …Si M. le maire est rassuré par le calme actuel des chômeurs, il a tort. Le calme, après l’action n’est pas un signe de faiblesse, mais de force. Si l’on oblige les chômeurs à reconnaitre qu’ils ne peuvent obtenir quelque chose que dans la mesure où ils font trembler, ils se le tiendront pour dit.

Mieux vaut même qu’il en soit ainsi. Il n’y a entre eux et la classe dominante que des rapports de force. Ces rapports de force, parfois les Pouvoirs publics les déguisent sous de belles apparences ; parfois ils les laissent à nu, et ils font alors mieux que n’importe qui l’éducation de la classe ouvrière.

sa biographe écrit « Quand Simone écrivait ainsi des communiqués au nom du Comité des chômeurs, elle y passait presque toute la nuit, y travaillant plus qu’à un article de philosophie, pesant les mots…Elle voulait être au service des travailleurs et les servir efficacement.

Naïve à certains points de vue, elle fut étonnée que la police et d’autres eussent tout de suite deviné qui était l’auteur de ces communiqués. »

Récit de Simone sur l’affaire : « en automne 1931, au, Puy, il y eut quelque bruit à mon sujet. Les communistes du Puy avaient décidé de réclamer une caisse municipale de chômage. Pour moi, qui trouvait juste…, j’accompagnais plusieurs fois quelques chômeurs au conseil municipal et chez le maire. Dans la ville, on me crut communiste…pour me faire quitter la ville, on m’offrit de l’avancement, que je refusai. Les communistes locaux, pendant tout cela, me répétaient qu’ils me regardaient comme étant par rapport à eux de l’autre côté de la barricade et me traiteraient à l’occasion comme telle ; en même temps, ils étaient heureux de me voir exposée à leur place à la répression comme étant soupçonnée d’être des leurs. »

Et voici les vidéos de la dernière journée Simone Weil, pour, aussi, vous « donner envie » d’en réclamer une autre !

3 commentaires sur “Simone WEIL, et si nous étudions sa démarche (scientifique?) !

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